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27 août 2009 4 27 /08 /août /2009 06:56

Une première inspiration est née du pur scintillement glam de la formule deleuzienne « pop’philosophie ». Une respiration plus tard, on pourrait aussi se dire qu’il y a de la freakosophie parce qu’il y a non seulement du pop, mais du monstrueux : du freak dans le pop. Allons déjà plus loin : le monstrueux, plus qu’un objet, peut s’avérer une méthode. Il pourrait être résumé en une simple formule : la recherche du détail qui tue. 

Certes, il y a de l’anormal et de la bizarrerie dans la culture pop (machines à voyager dans le temps, télépathie, sexualité extravertie, corps mutants…), mais c’est précisément « populaire », c’est-à-dire massivement diffusé, trop connu, rabâché. Une première lecture faiblement freako se contenterait de relever ce monstrueux de foire. Cette première lecture compterait les occurrences, ferait des listes de choses bizarres. Une première lecture faiblement freako renouvellerait le stock des exemples disponibles en philosophie. Pour parler de l’inconscient, on parlerait des hallucinations de Jack dans Lost. Pour parler du dualisme âme-corps, on parlerait des opérations chirurgicales de Troy et Mc Namara. Pour parler du corps machine, on parlerait de Transformers… etc. On ne fait que comprendre académiquement des objets pop. Mais c’est déjà très honorable. Et surtout, on poursuit de cette façon l’élargissement du spectre des objets classiques. 



L'étrange créature du lac noir de J. Arnold.
 

Mais le monstre n’est peut-être pas si fidèlement étymologique qu’on le croit. Qu’il vienne du latin « montrer » ou qu’on le fasse remonter à monstrum, « présage », le monstrueux doit se voir, certes, mais comment doit-il se rendre visible ? Que voit-on de monstrueux quand on ne voit plus que ça ? Qui voit encore que Britney Spears est un monstre, à la psyché aussi dévastée qu’une mise en page de magazine people… Qui a vu tout de suite que Michael Jackson ne riait pas quand il se présentait lui-même comme un monstre ? Le succès même des clips de la star, présentée comme un zombie ou un loup-garou, a transformé Michael en « Bambi », c’est-à-dire en une star capable de chanter pour les enfants : l’inverse exact d’un monstre inquiétant – et pourtant, c’est ce que Michael voulait nous dire (cf le dessin flippant du chanteur qui se met en scène comme enfant brimé)… Le monstre réel est celui qui fait douter des normes, et non celui qui est si évidemment hors normes. Le monstrueux est donc dans le détail. On n’attrape plus les gros poissons, on cherche les perles rares. On ne capte plus l’air du temps, on cherche le patient zéro. Deux exemples.
 
 

Transformers II : la revanche des routiers - source.
        

On peut répéter que la culture pop se pornographise, et c’est très juste. Mais on va préférer parler de la pornographie amateur, et du succès des scènes volées, et des sites montrant des vidéos de stars nues (mêmes truquées). Parce que dans ce succès, on prouve l’échec d’images porno trop impersonnelles. Le moteur libidinal le plus puissant est celui qui peut se projeter sur un objet connu, familier et… aimé. Et que montre-t-on ? On montre tout simplement que l’amour est premier sur la baise. Que le social conditionne le libidinal. Que les internautes ont bien tous une bite à la place du cerveau, mais aussi et surtout un cerveau à la place de la bite.

Deuxième exemple. Transformers 2, une bouse, qui tient merveilleusement compte des besoins les plus élémentaires du public : voir des femmes réduites à l’état d’esclaves sexuelles – trouvant forcément touchant un mini-robot qui s’excite sur la jambe de l’héroïne –, voir des machines qui sont effectivement nos esclaves, parler à sa voiture et dire qu’on l’aime… ou humilier un mâle concurrent en le traitant de tapette, en le tasant dans les boules, et se moquant de son excès d’émotivité devant un robot géant qui écrase tout sur son passage. Le succès du film est en soi la preuve de la bêtise incommensurable qui habite ce monde. Mais il devient plus intéressant quand on lui cherche son kyste, sa petite verrue… 


L'appel aux changements d'Optimus Prime - source

 

Le design du héros robot Optimus Prime a changé. Son visage notamment est maintenant affublé d’yeux, d’une bouche et d’un nez. En fait, l’idée même qu’il s’agit d’un robot a disparu lors de l’adaptation ciné. Ils parlent d’« aliens ». Le design est devenu plus organique, quasi néo-expressionniste d’ailleurs, à la Schnabel, période éclats d’assiettes. On s’éloigne ainsi de la composante essentielle du design de robot japonais. L’Optimus Prime d’origine avait une visière et non des yeux, un casque et non une bouche ou un nez. C’était une sorte de samouraï, plus proche de l’armure que du corps, plus proche de l’exosquelette que de l’alien. Dans ce détail tient la différence entre le robot japonais, et le robot US. Le robot US, de George Lucas ou des Transformers dernière version, ne sont que des humains avec un corps différent. Ils copient nos us et coutumes, ils sont vivants comme nous. Ils ont leurs prophètes, leurs cultures, leurs petites manies, leurs gestes héroïques (souvenez-vous que même R2D2 est décoré pour sa bravoure). Le robot japonais est pris dans une dialectique beaucoup plus délirante : il n’est pas autonome (sauf dans les séries pour enfants), en tant qu’exosquelette, c’est une sorte d’attribut magique, ou d’état de nature de la technologie. Le robot doit être maîtrisé. Et donc, le lien qui unit homme et robot est un lien de domination très net, pas d’égalité. Pourtant, en même temps qu’il doit être soumis à un humain pour exister pleinement, il va permettre à ce même humain de se dépasser, de devenir plus fort, presque invincible. Bref, le robot japonais est la condition du surhomme, alors que le robot US est un homme comme les autres. 

        

 

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