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29 avril 2010 4 29 /04 /avril /2010 20:00

 

 

McCarthy

 

Entrons tous dans le joyeux monde de la pornosophie !

Paul Mac Carthy - source.

 

 

 

Les dieux sont-ils aussi dans les films de cul ?

 

 

Plusieurs raisons pour commencer sur ce blog une série d’articles sur le porno : premièrement, vérifier si en parlant du porno et donc accessoirement de cul, la fréquentation du blog va être multipliée par 10 comme cela semble être le cas pour les autres blogs. Deuxièmement, tout le monde sur Internet en vient un jour ou l’autre à donner son avis sur le porno, donc pourquoi pas nous ! Troisièmement, le porno est devenu un phénomène omniprésent dans nos sociétés, et même, n’ayons pas peur des mots, un élément essentiel de la culture de masse contemporaine. La freakosophy doit donc remonter ses manches et assumer sa mission d’interroger le sens des produits de la « sous-culture » en examinant le dit phénomène. 

 

Pourtant, si la confrontation entre le porno et la freakosophy semble évidente d’après la définition de cette dernière (nous renvoyons à la lecture des deux articles qui la définissent), il n’en demeure pas moins que l’objet semble dépasser les limites d’une réflexion philosophique, en fait de toute réflexion possible. Si « les dieux sont aussi dans la cuisine » selon Héraclite, y a-t-il encore des dieux dans un film de boules ? Selon certains, le porno ne fait pas partie de la culture de masse, ou de la sous-culture (je préfère le premier terme), car il ne fait pas partie de la culture du tout, ou marque une sortie de la culture. Dépouillée de toute forme de civilité, la représentation pornographique de la sexualité humaine réduirait celle-ci à la bestialité. Ce ne sont pas les dieux qui se trouvent dans le porno, mais la bête (ou les bêtes) qui sommeille(nt) en nous. L’interprétation historique correspondant à cette exclusion du porno de la culture, même de masse, voit dans celui-ci le signe de l’achèvement de la décadence occidentale : après mille ans de civilisation, l’occident est revenu à sa barbarie primitive sans s’en rendre compte et en croyant même s’être enfin libéré d’une répression (morale et religieuse) elle-même millénaire. Si le cœur essentiel du porno est la partouze, celle-ci semble n’être qu’une répétition de l’orgie romaine, elle-même annonciatrice dans l’imaginaire collectif de la chute de la civilisation, avec cette différence que le porno ne rend pas seulement les hommes incapables de résister à d’éventuelles nouvelles invasions barbares, mais est le symptôme d’une autodestruction inéluctable. Le porno serait-il le symptôme d’un suicide civilisationnel ?

 

 

pompier sex

 

Le porno : symptôme d'une décadence ?

source.

 

 

Sans écarter la possibilité d’un tel diagnostic apocalyptique, il semble néanmoins nécessaire de calmer un peu le jeu et de se dire, qu’après tout, cela fait bientôt quarante ans que le porno a envahi avec fracas l’espace public sans pourtant renverser les bases de la société. L’avilissement bestial auquel nous condamnerait le porno relève plus du fantasme délirant que de la réalité. De plus, le porno recouvre une production variée qu’il semble peut-être hâtif de rejeter d’un bloc. Sans prétendre dire quoi que ce soit de bien original sur le porno et encore moins d’en maîtriser l’immense production, on peut essayer de procéder à quelques clarifications conceptuelles ; et s’il faut au fond condamner, que ce soit au moins au terme d’une critique au sens positif du terme, c’est-à-dire d’une analyse réflexive du sens des représentations et du sens de l’usage que l’on peut en faire. On peut appeler pornosophie le résultat d’une réflexion freakosophique sur le porno. Ici un éclaircissement, en 5 points, s’impose sur ce que l’on veut dire par ce néologisme bizarre de « pornosophie » :

 

1) Le terme « pornosophy », dans sa version anglicisée, est utilisé par certains sur le net dans un sens différent (et relativement obscur) de celui que l’on souhaite conférer à la version francisée de ce terme. 2) On n’entend pas désigner non plus par « pornosophie » une sagesse (signification d’origine du terme grec sophia) de prostituée (signification d’origine du terme grec pornè) comme celle que défend par exemple Annie Sprinkle, mais plutôt 3) une capacité à faire un bon usage de la pornographie (s’il y en a un) à partir d’une réflexion argumentée sur son sens et ses finalités. Le pari étant ici qu’une telle réflexion n’est pas une prostitution de la pensée, encore moins de la freakosophy, sans même parler de la philosophie ! La pornosophie est donc à la fois une éthique et une théorie, et fait partie en tant que telle d’une sagesse de l’érotisme (érotisme signifiant ici l’art d’aimer). 4) La pornosophie ne se limite pas à une réflexion sur le porno, car la pornographie est bien plus vaste : elle englobe toutes les représentations obscènes – littérature, peintures, dessins, B.D., photographie, films, etc. –, alors que le porno ne désigne que les films pornographiques. On se limitera dans un premier temps au porno, sans s’interdire bien sûr une comparaison avec d’autres supports de représentations pour mieux le caractériser. 5) Dernier éclaircissement préliminaire, parler de pornosophie ou de sagesse de la pornographie ne désigne ici qu’un idéal qu’on ne prétend nullement incarner. Rien n’interdit d’avoir de l’ambition même si l’effort pour le réaliser n’est qu’un balbutiement ; l’idéal sert juste ici de guide pour apprendre à parler et à savoir ce que l’on cherche à dire même si on est pour l’instant encore incapable de le dire pleinement.

 

 

PaulMcCarty-choco

 

Porno + Chocolat = Peter Paul Chocolates de McCarthy 

source.

 

 

 

 

Quelle méthode pour la pornosophie ?

 

 

Avant de se demander si l’usage qu’on peut faire du porno est bon ou mauvais d’un point de vue éthique ou moral, il semble nécessaire de déterminer plus précisément ce qu’est un porno comme genre de films. Le définir simplement comme une représentation explicite d’actes sexuels non-simulés ne semble pas suffisant ; car s’il s’agit d’un dénominateur commun à tous les films porno, cette définition ne prend pas en compte la finalité interne du genre, ce qu’il cherche à faire, ce qu’est son but lorsqu’il représente des choses obscènes. Prendre en compte cette finalité interne du porno, c’est se demander ce qu’est un bon porno. Cette analyse de la finalité interne du porno est différente d’une analyse des finalités externes que sont la recherche du profit, la critique de la société bourgeoise, la libération sexuelle d’une génération, analyse qui relève plus d’une enquête sociologique et historique que d’une critique pornosophique. Ne confondons pas non plus la question éthique ou morale (en quoi l’usage du porno peut-il être bon ?) et la question descriptive de la nature du porno (en quoi un porno est-il bon ? qu’est-ce qui fait d’un film pornographique un bon porno ?) ; la première question renvoie à des normes externes (valeurs éthiques ou morales), la deuxième à des normes internes, celles du genre pornographique. 

 

Si le porno n’est pas un objet facile à circonscrire, c’est aussi parce qu’il n’est pas un genre monolithique comme on l’a déjà dit ; ses formes sont très diverses et variées. Le reproche de n’y connaître pas grand chose (reproche que nous acceptons volontiers) ne doit pas nous empêcher de chercher à y voir plus clair. Comme les sous-genres du porno sont bien trop nombreux pour nos frêles petites épaules et que le courage (et l’envie) nous manque pour nous lancer dans une investigation historique des différents sous-genres, maisons de productions, réalisateurs, acteurs-actrices (les fameux porn-stars), on se contentera premièrement d’une réduction du porno à deux genres ou plutôt types qui semblent en constituer deux pôles : le porno-chic et le gonzo. En vertu de la règle de méthode énoncée précédemment, on se demandera d’abord quelles sont les normes internes de ces deux types de porno, et si l’un représente plus que l’autre l’essence du porno, c’est-à-dire ce que doit être un porno pour être un bon porno. Ce n’est qu’ensuite qu’on se demandera si ces sous-genres de porno peuvent faire l’objet d’un bon usage éthico-moral ou non. 

 

 

Koons pornosophie

 

Porno chic vs. Gonzo : la classe selon Jeff Koons.

source.

 

Un des problèmes que pose toute évaluation éthique du porno est de savoir si on peut justifier la préférence d’un sous-genre de porno par rapport à un autre, voire le rejet de l’un et de l’autre (et donc du porno en général), autrement que par une histoire de goût. « Ce n’est pas parce qu’on n’aime pas qu’il faut en dégoûter les autres » dit-on souvent avec raison. Si l’on attache au terme « pornographie » un sens éthique négatif et au terme « érotisme » un sens éthique positif, alors il arrive souvent que la pornographie soit simplement l’érotisme des autres : déprécier ce qu’on n’aime pas en le jugeant inférieur est un procédé courant mais illégitime puisqu’il ne semble s’agir au fond que d’une différence de goût. Pourtant, l’évaluation du porno n’est peut-être pas qu’une affaire de goût. On peut peut-être essayer de sortir de ce relativisme éthique (et moral, la distinction entre les deux termes reste à faire) à partir d’une analyse du contenu des représentations pornographiques, mais surtout d’une analyse de la sexualité humaine et de son rapport aux représentations obscènes. 

 

Les règles de la méthode pornosophique étant maintenant établies, il ne nous reste plus qu’à nous lancer dans l’arène périlleuse de leurs applications au porno et cela d’abord par un effort de description. Il est nécessaire de savoir de quoi on parle avant de polémiquer sur la valeur éthique et morale du porno, et ce non pas tant pour adoucir les polémiques (ne nous faisons pas d’illusions) que pour éclaircir les points de différences. La suite au prochain numéro…

 

 

manara.jpg

Suivez le guide !

-

Manara : le porno chic à l'italienne - source.

 

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commentaires

O
<br /> Je viens de de premier article et quelques remarques me semblent importantes avant de continuer à lire ceux qui suivent.<br /> <br /> 1/ Il me semble que dans cette "pornosophie" il y a un enrobage de concepts philosophiques d'un objet que l'on a fondamentalement du mal à cerner, qui viendrait dans un verbiage intellectuel de bon<br /> ton légitimer l'étude du porno tout en contournant ce qu'il y a de gênant, de malaise, dans la pornographie comme fait de culture.<br /> 2/ Pour étudier la pornographie il faut en connaître le terrain, les pratiques, la place dans notre société et pour cela une démarche soit ethnologique ou ethnographique et une démarche clinique<br /> semblent les plus appropriées pour pouvoir voir quelle place occupe le porno dans notre société, dans quelles pratiques et représentations s'enracine t-il, quelle est sont influence, comment<br /> expliquer son émergence... etc.<br /> 3/ Le porno pose comme sujet un malaise fondamental qui est celui de la sexualité dans ses aspects fantasmatiques refoulés. Le porno s'offre (et à l'image de sa place sur internet, il représente<br /> 60% des connexions mondiales quotidiennes) comme l'image (dé)livrée du refoulé retenu dans la psyché, une figuration du ça de la seconde topique freudienne mais un ça transfiguré dans le fantasme.<br /> Ici il faut étudier le porno dans la consommation qui en est faite, en particulier chez les jeunes et les addictions croissantes qui se développent.<br /> 4/ Ce n'est qu'ensuite que l'on pourra construire une réflexion éthique. Il me semble être une erreur fondamentale de poser des enjeux éthiques sur un objet sans avoir étudié ses conséquences<br /> psychiques et culturelles en détail. Pour cela, un blog ne suffit hélas pas et un travail scientifique d'envergure est nécessaire...<br /> <br /> <br />
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G
<br /> <br /> C'est pas tous les jours qu'on a la chance de lire les critiques scientifiques d'un grand clinicien, sociologue et psychanalyste de surcroît, sur notre misérable prose. Sans ironie, notre projet<br /> n'est pas, comme nous l'avons clairement énoncé il me semble, de mener une enquête scientifique sur le porno, mais plutôt d'essayer de déterminer quels usages on peut faire en droit de ces<br /> représentations si présentes, vous l'avez rappelé, dans la culture de masse contemporaine. S'il nous a paru bon d'inventer un mot pour désigner de tels essais de réflexion, ce n'est bien sûr pas<br /> pour asséner au monde  des leçons de morale ou lui révéler une nouvelle sagesse. Rien ne sert donc de crier à la fraude intellectuelle ! C'est donc, encore une fois, avec plaisir que nous<br /> profiterons de votre expertise sur la suite de nos articles, à condition que vous en reconnaissiez les modestes intentions... <br /> <br /> <br />           Pour être plus précis sur chacune de vos remarques :<br /> <br /> <br /> 1)"le malaise que suscite le porno comme fait de culture" est peut-être réel, rien n'empêche de garder la tête froide et de ne pas faire du "malaise" le principe de toute analyse.<br /> <br /> <br /> 2) "Qu'une démarche ethnographique ou clinique soit la plus appropriée pour étudier la situation du porno, son émergence, son influence sur la société", je n'en doute pas, mais est-ce que cela<br /> doit interdire ou rendre inepte tout autre propos ? Non. De plus, il faut bien que chacun (sans parler des pouvoirs publics) se pose la question de savoir ce qu'il peut faire du porno dans sa<br /> vie. Les sciences humaines ne sont peut-être pas les seules à pouvoir éclairer de leur lumière la question de cet usage.<br /> <br /> <br /> 3) "Que le porno soit l'image fantasmatique de nos pulsions libidinales refoulées", peut-être, mais l'interprétation psychanalytique n'est pas le seul discours possible (sensé) et légitime (vrai)<br /> sur le sexe, le désir, le fantasme,... "Qu'il faille étudier le porno à partir de sa consommation chez les jeunes et à partir des phénomènes d'addiction" me paraît extrêmement limité et surtout<br /> impliquer de nombreux présupposés (moraux et éthiques) condamnant dès le départ le porno, ce qui m'amène à votre quatrième remarque.<br /> <br /> <br /> 4) "Une analyse éthique ne pourrait se construire qu'à la suite d'une étude scientifique d'envergure sur les conséquences psycho-sociales du porno", soit... mais la morale et l'éthique appliquées<br /> ne sont pas la propriété des sciences humaines, comme si des faits on pouvait déduire des valeurs. De plus, il me semble que repousser ainsi l'éthique/morale à plus tard (autrement après que les<br /> experts en sciences sociales aient parlé) peut conduire à étudier "les faits" avec certains présupposés éthiques et moraux comme je le disais plus haut. Ne commencez-vous pas vos remarques en<br /> parlant "d'un malaise" ? Ce "malaise", l'avez-vous ressenti au terme de votre travail scientifique d'envergure ou l'aviez-vous dès le départ ? Dans l'espoir de vous relire un jour...<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> Etant en train de rédiger une série d'articles sur la pornographie urbaine, je ne peux que vous soutenir dans cette démarche. Et aux possibles détracteurs qui n'y verraient qu'une manière indigne<br /> de gonfler l'audience comme on gonfle une bite, je ne répondrais qu'une chose :<br /> <br /> Sodomie<br /> Feuille de rose<br /> Flagellation<br /> Pédérastie<br /> Seigneur, pourquoi ces mots sont-ils bannis ?<br /> Masturbation<br /> Tendres débuts<br /> Mais après c'est l'orgie kamasutra<br /> Pour la vie<br /> <br /> Sodomie, par Gérard Palaprat (cf. Hair en frenchie)<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Et Google Anal. explosa.<br /> <br /> <br />
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